Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte. N’oubliez donc pas de commencer par le chapitre I au risque de ne pas tout comprendre.
C’est à cette heure-là qu’on rentre ?
Troll n’a fait ni une ni deux et s’est précipité sur la Pustule histoire de lui faire la fête.
- Et bien, au moins il y en a un qui est content de me voir.
- Qu’est-ce que tu fais là ? T’es pas censée être couchée ?
- Fait chaud, j’avais besoin de prendre l’air.
- Et ta mère, elle sait que t’es là ?
- T’as qu’à croire. Elle est dans un état qu’elle s’en fout royal de savoir ousque j’suis.
- Elle s’est encore pris une murgée ?
- Et une sévère.
- Bon, je suppose qu’il faut que j’y aille ?
- Non, laisse tomber, je l’ai dessapée. Elle est sur le canapé, à part tomber, elle ne risque rien. Et encore, j’y ai mis les coussins par terre au cazou. Et toi mon Troll, fais voir ta patte.
Bien entendu, l’autre truffe s’est empressé de se rouler sur le dos pour présenter sa patte blessée. Calamity Marie s’est penchée pour examiner le malade. Calamity c’est ma fille à moi, c’est tout ce qui me reste d’une vie d’avant. Ce n’est pas rare que je la trouve devant ma porte. Ou dedans vu qu’elle a la clef, quoiqu’elle hésite « pour pas déranger ».
- C’est son boulot encore ?
- Qu’elle dit. M’enfin t’admettras qu’il ne faut pas faire dans les RH si qu’on supporte pas les plans sociaux.
- Si on ne supporte pas.
- Ya des fois que t’es aussi chiant que maman.
- C’est ce qui fait mon charme la Pustule.
- M’appelle pas comme ça.
- Je t’appelle comme je veux, je suis ton père.
C’est là qu’elle s’est jeté sur moi et à commencé à me marteler la poitrine, moitié riante, moitié furieuse.
- Ben si tu continues, t’as intérêt à te souvenir du numéro de SOS Papas battus à cause que tu vas en avoir besoin.
- Stop, pitié, je me rends, grâce.
- D’accord, mais je veux le dernier Twilight.
- Encore ! Mais ils en sortent toutes les semaines de ces bouquins ? T’en as pas marre, tu ne voudrais pas lire quelque chose d’intelligent pour une fois ?
- Lire quoi ? D’abord pour me faire chier j’ai le collège. Ensuite, lire quoi, tes discours à la gomme pour l’autre naze ?
- Confonds pas tout, ça ce n’est pas de la littérature, c’est juste pour bouffer. Et puis je vais arrêter.
- Fais-moi pas rire, ça fait trop longtemps que je t’entends dire que tu vas arrêter de bosser pour ce gland.
- On ne dit pas ce gland, on dit Monsieur le Président.
- Et qu’est ce que tu veux que ça me foute ? C’est un gros naze.
- Mais qui paye bien.
- D’toutes façons t’avais dit que t’arrêterais quand il serait élu. Pis que t’arrêterais quand il serait réélu. Et maintenant ça sera pour quand ?
- Non, ce coup-ci c’est décidé. Demain je lui donne ma démission.
- Je parie que tu ne le feras pas.
- Tu verras bien.
- Et Katia, elle en dit quoi ?
- Elle n’en dit pas grand-chose, pour plusieurs raisons. Primo elle n’est pas au courant, secundo, même si elle était au courant elle s’en ficherait pas mal vu qu’elle a décidé de partir, et tertio, même si elle ne s’en fichait pas, elle ne risquerait pas d’en penser quoi que ce soit vu qu’elle a eu un accident en voiture avec son nouveau mec et qu’elle n’a pas repris connaissance.
- Pfiou, ben tu fais les choses en grand. Un vrai vaudeville. Sauf que je ne t’aurais pas imaginé dans le rôle du cocu.
- Merci c’est réconfortant d’entendre ça.
- Alors c’est pour ça que j’arrivais pas à t’avoir au téléphone ce soir ? Tout le monde a dû t’appeler.
- Ouaip, un vrai régal.
- Et comme tu n’aimes pas répéter plusieurs fois la même chose, tu leur as raconté une histoire différente à chaque fois. Je te connais comme si je t’avais fait.
- C’est un peu l’inverse, bien que ta mère y soit aussi pour quelque chose, mais oui. Sauf que j’ai quand même raconté la vérité à Marianne.
- Et tu t’es arrangé pour ne pas être cru.
- Pile-poil.
- T’es vraiment pas normal. Mais je t’aime.
- Moi aussi je t’aime Pustule.
- T’as été la voir ?
- Non. Je ne sais pas si je dois. En théorie nous ne sommes plus ensemble depuis ce matin.
- T’es vraiment la reine des pommes. Tu ne vois pas qu’elle n’a que toi ?
- Dis donc, je croyais que tu n’aimais pas Katia.
- Ça n’a rien à voir avec le fait que je l’aime ou pas. D’abord t’es toujours marié avec. Ensuite, faut bien qu’on se serre les coudes nous les femmes.
- Vous les femmes ? Faut te calmer un peu la Pustule, c’est pas par ce que t’as deux piqûres de moustique sur le torse que ça fait de toi une femme.
- Ah bon, et on fait comment, tu peux m’expliquer papa ? Je suis sur que tu vas m’apprendre plein de choses, alors explique-moi comment qu’on devient une femme.
Ce qui est bien avec les gosses c’est qu’on ne sait jamais quand on va se faire avoir. Reste la certitude qu’à un moment ou à un autre, on va se faire avoir. C’est rassurant de savoir qu’il y a des invariables dans la vie.
- Hein, explique-moi papa. Ou si tu ne sais pas, je peux peut-être t’expliquer moi.
- Ça va, ne la ramène pas, tu veux. Allez, caltez volaille, tu devrais déjà être au lit, il y a école demain.
- Oui père, bien père, je suis à vos ordres. C’est récent qu’on ait inventé l’école le dimanche ?
Et allez, mieux vaut jeter la cognée après deux manches à zéro. Ou faire semblant de ne pas relever.
- Allez file la Pustule. Et prends soin de toi.
- Oui P’pa. Je peux garder Troll pour ce soir ?
- Et qui va s’occuper de lui demain ?
- Demain c’est dimanche, la fête à ma tante. Je te le ramènerai ton clebs va, te bile pas.
- C’est d’accord, mais sois gentille de ne pas me tirer du lit aux aurores.
- Oui père, il en sera fait suivant vos désirs.
J’ai quand même eu droit à deux bises. J’ai même cru voir un éclair de tendresse. Ou d’inquiétude. Du coup je me suis senti vieux.
En remontant, je me suis aperçu que j’étais vanné. J’ai juste eu le temps de me déshabiller et de me mettre au lit. Putain de journée.