À propos de la perte du triple A par la France, le jeune Gérald de Nerveux nous a fait parvenir ce sonnet.
Je suis le p’tit nerveux, le bœuf – le dégradé,
Le prince d’Aquitaine à la raie dégarnie
Mon troisième A est mort, et ma muse obstinée
Porte les lunettes noires de Christian Estrosi.
Dans l’ennui du tonneau, toi qui m’a consolé,
Rends-moi le A magique et le Berlusconi,
L’ardeur qui plaisait tant à la foule enivrée
Et la paille, et le grain, quand Jaurès je rallie.
Suis-je Atour ou Paraître ? Morano ou Besson ?
Mon front est rouge encore du baiser de Marine ;
J’ai voulu affoler en lançant la sirène…
Et je suis comme un con dégradé par Albion ;
Maudissant tour à tour agences et marchés
Les soupirs d’Angela et les cris des banquiers.
Un pignouf de corbac sur un toufu planté
Se cargait par la tronche un coulant baraqué
Un pignouf de racneau, qui n’était pas bégueule
Et n’avait pour bectance qu’un bol d’air dans la gueul’
Dégoisa au corbac illico sa jactance
Des zoziaux j’en ai vu, des comacs pas bézef
L’est mieux fringué qu’un mac, et s’il pousse la beuglante
Aussi bien qu’l’est nippé, c’est l’mecton à la r’dresse
Des coins-coins du quartier
À ces mots le corbac, pas pour deux sous mariole
Ouvrant grand le clapoir entonne une ballade
Et lache le frometon, au racneau, sur la fiole
Envoyez c’est pesé, dit l’racneau, j’t’ai feinté.
Retiens, pov’ crétin, que si on t’empommade
C’est pour, recta et à donf, bien profond t’entuber
Pour cette leçon, ma foi, un coulant c’est pas lerche
Et la prochaine fois, tu te l’caleras sous l’derche
Mon corbac, se dit-il, t’es bien la reine des pommes
Et plus jamais, que nib, tu t’fras avoir ça comme.
Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte. N’oubliez donc pas de commencer par le chapitre I au risque de ne pas tout comprendre.
– Tu es sûr que ça va aller ?
Je hoche la tête, ce qui est quand même d’une utilité limitée au téléphone. Mais là, ça passe.
– Sûr hein ?
Combien de fois ai-je entendu cette phrase ce soir ?
– Oui, ça va, ça va aller, ne t’en fais pas.
Je raccroche sans dire au revoir.
Et puis merde.
Il faudrait que quelqu’un se penche sérieusement sur la vitesse de propagation des mauvaises nouvelles. C’est à croire que l’on n’a pas le temps d’assimiler que la moitié de la planète est déjà au courant.
La nuit est tombée. Quelle heure est-il ? Dix heures. Déjà. J’ouvre la fenêtre en grand. La chaleur est encore là, palpable. Pas un souffle. J’ouvre la cuisine de l’autre côté pour tenter de créer un courant d’air. Tentative manifestement vouée à l’échec, mais j’ai au moins l’impression de faire quelque chose.
Le téléphone sonne. Troll en profite pour aboyer. Je n’ai jamais compris pourquoi il ne supportait ni la sonnerie du téléphone ni celle de la sonnette d’entrée. J’ai beau ruser, changer de téléphone, de sonnerie, rien n’y fait. Ça laisse deux jours de tranquillité, mais sitôt qu’il a repéré qu’il s’agit du téléphone, il recommence à aboyer. Au fond, il est tranquille chez lui, il n’a ni envie de recevoir de monde, ni envie de recevoir de nouvelles. Je le soupçonne d’avoir raison.
De toute façon, une semaine de merde c’est une semaine de merde. Surtout quand ça commence par une lettre du trésor annonçant benoîtement qu’il bloquait la totalité des comptes bancaires pour non-paiement des impôts locaux. Bon, normal, sauf que non seulement ils étaient payés, et dans les temps pour une fois, mais en plus j’avais une jolie lettre de leur part me demandant ce qu’ils devaient faire du trop-perçu.
Enfin, presque, vu que ce n’est pas moi qui tenais les comptes. Ça fait bien longtemps que j’avais délégué à Katia tout ce qui était problèmes d’argent. Je me contentais d’en gagner aussi souvent que possible, d’en dépenser raisonnablement, mais pour tout le reste c’est elle qui tenait les comptes et payait les factures. Là aussi c’est elle qui était allée au Trésor leur démontrer leur erreur, puis apporter la mainlevée à la banque. Comment avait-elle pu ? Elle devait déjà savoir qu’elle allait partir, pourtant.
Ensuite ça a été le chien qui s’est ouvert un coussinet.
J’essaye de le laisser courir le plus souvent possible. D’habitude je le descends et je le laisse aller faire son tour du quartier tout seul. Il ne se mêle pas de mes histoires, je ne vais quand même pas aller me mêler des siennes.
Certaines fois il lui arrive de rentrer trempé, l’air à la fois pitoyable et vexé de s’être pris un seau d’eau de la part d’un pénible qui le trouvait nettement trop entreprenant avec sa chienne, mais ce coup-là il est revenu avec la patte qui pissait le sang. Bien évidemment, je l’ai engueulé, j’ai arrêté le saignement, je l’ai engueulé à nouveau puis je suis allé nettoyer le sang dans les 3 étages de la cage d’escalier. En remontant, j’ai hésité puis je me suis abstenu de l’engueuler une troisième fois.
Et pour finir, ça a été le joint de culasse de la voiture. Enfin, on a eu quand même un peu de chance, c’est une feignasse de mécanicien abusant des 35 heures qui nous a arrêtés pour nous dire que le pot fumait et qu’on avait intérêt à parquer la voiture avant que le joint ne lâche complètement.
Enfin, je croyais que c’était tout jusqu’à ce matin.
Téléphone. Aboiements. Ta gueule Troll. Décroche.
– Mon Dieu, je viens d’apprendre la nouvelle, alors je t’appelle tout de suite. Ça va toi ? Tu tiens le coup ?
Ben tiens, ça faisait bien un quart d’heure que personne ne m’avait posé la question.
– Oui, ça va aller, t’inquiètes.
Je savais quelle allait être la question suivante. Je commençais à être rodé.
– Comment ça s’est passé ?
– Je n’ai pas de détail. Elle était partie faire une course avec un collègue de travail. Les gendarmes ont dit qu’il y avait certainement eu une voiture qui leur a coupé la route, mais l’autre conducteur s’est enfui.
– Et Katia, tu as des nouvelles ?
– Pour l’instant elle est en réanimation. Les médecins disent qu’elle va s’en sortir. Elle n’a eu que des contusions et un traumatisme crânien.
– Et le conducteur ?
– Il a eu moins de chances, il est mort sur le coup.
– Mon Dieu quelle histoire, tu crois que tu vas tenir le coup ?
Ça y est, je sentais l’exaspération monter.
Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas s’empêcher de poser les questions les plus stupides ? « T’as été chez le coiffeur ?» Non, connasse j’ai mis la tête dans le micro-ondes. « C’est pour manger ?» Non, crétin, on vient au restaurant pour tirer un coup. T’es gentil de nous débarrasser la table 4, vu que la bourgeoise elle apprécie moyen de coïter avec une fourchette plantée dans le croupion « Alors, dites-moi pourquoi vous désirez travailler pour nous ? » Pour le fric taré, vu que ta boîte de merde embauche et que je préfère me faire chier en étant payé pour ça que de m’emmerder sans un rond chez moi.
Je respire un grand coup pour me calmer. Zen.
– Ça va aller ? Tu ne dis rien ?
Je raccroche sans répondre et sans remords.
Faut bien entretenir ma réputation de pénible. Ce qui me fait le plus chier c’est de savoir que cette tanche va me trouver des excuses. C’est quand même un monde de pouvoir être désagréable avec les cons sans qu’ils vous en veuillent. Font chier.
Téléphone. Aboiements. Ta gueule Troll. Décroche.
– C’est Pierre, je viens d’apprendre la nouvelle, quelle histoire.
– Ouaip, ça va je tiens le coup.
Autant devancer et passer directement au point suivant
– Comment est-ce arrivé ?
S’il y a une chose que j’apprécie chez Pierre c’est son obstination à employer les formes interrogatives et à faire les liaisons tout en sachant que c’est un combat perdu d’avance.
– Tu sais que la voiture est en panne. Le garage nous avait envoyé un mécano avec une voiture de remplacement. Katia est partie avec lui et c’est en rentrant au garage que le type a eu une crise d’anémie graisseuse et a perdu le contrôle de la voiture.
– Quelle histoire. Tu sais que si tu as besoin de quelque chose tu peux compter sur Anne et moi.
– Merci Pierre j’y penserai au besoin. Bon je vais me pager.
– Tu es sûr que ça va aller ?
Raccroche. Soupire.
Boucan dans la cuisine. Soupirer. Se lever.
C’est Fitz qui vient de dévaler une pile d’assiettes en tentant désespérément d’atteindre le placard.
J’engueule pas. Sert à rien d’engueuler un chat, sinon à se faire mal voir. J’ouvre la porte du placard. Plein cadre le paquet de croquettes.
Regard courroucé du greffier accompagné de miaulements comminatoires. C’est con, je suis sûr que s’il avait une montre il serait en train de la tapoter en miaulant « j’ai failli attendre ». Bien évidemment, sa gamelle est encore à moitié pleine de pâtée, mais pour Son Altesse c’est pâtée et croquettes du soir. Soucoupe – faudrait pas mélanger les croquettes avec la pâtée sous peine de se voir assassiné d’un long regard de mépris – verser croquettes. Si ton altesse veut bien se donner la peine. Pas de réponse. Il bâfre sans plus faire attention à rien. Il y a franchement des fois où j’ai envie de l’attraper par la queue et de jouer à Thierry la Fronde.
Téléphone. Aboiements. Ta gueule Troll. Décroche.
– Coucou c’est Marianne, ma sœur est là ?
Allons bon, je suis tombé sur la seule qui ne soit pas encore au courant. Je l’aime bien la petite sœur, 19 ans, prête à bouffer le monde, autant d’indulgence pour la médiocrité qu’il y a de neurones dans le crâne d’un jeune pop et un petit cul à faire damner une armée de séminaristes.
– Non, t’es assise ?
– Ben pourquoi ?
– Ta sœur m’a annoncé ce matin qu’elle me quittait, puis elle est partie avec son amant. Qui a trouvé moyen de rentrer dans un camion à 110 à l’heure. Lui est mort et Katia est encore en soins intensifs, mais d’après les toubibs ses jours ne sont pas en danger.
Long silence sur la ligne.
– Remets-toi, elle va s’en sortir, elle a eu une veine de cocue. Je ne peux pas en dire autant.
– Tu me dis la vérité ?
– Pour l’accident, c’est vrai.
– Où est-elle ?
– Au CHU, mais pour le moment, elle est en réanimation, on ne peut pas la voir.
– Et pour le reste c’est vrai aussi ?
– Tu fais comme si je ne t’avais rien dit.
– T’es vraiment malade de plaisanter avec ça.
– T’étais pas au courant ?
– De toute façon, ça aurait dû être vrai, je n’ai jamais compris que Katia ait accepté d’épouser un taré dans ton genre.
– Ben tu vois, ça nous fait au moins un point commun, moi non plus je n’ai jamais compris.
– T’es vraiment un sale con.
– Pour vous servir mamzelle.
Bon, pour une fois ce n’est pas moi qui ai raccroché. Ça change un peu. J’ai eu mon compte pour ce soir.
Débrancher téléphone. Vérifier que le portable est éteint. Souffler. S’asseoir.
Troll est allongé sur son tapis. J’en profite pour inspecter sa blessure. Il se laisse faire sans protester.
– Si tu pouvais t’empêcher de gratter la terre comme un con à chaque fois que tu as fait une crotte, ça serait guéri depuis longtemps.
Il lève une paupière, pas foncièrement persuadé de la nécessité de répondre. Ça, on ne peut pas dire qu’il soit du soir. Passé 9 heures, c’est une tape sur les fesses un bisou et au lit. Pour arriver à le bouger ensuite, il y a du boulot. Mais là je n’ai pas le choix, il n’est pas descendu depuis ce midi, et je n’ai nulle envie d’éponger demain matin.
– Allez, debout, on va faire un tour.
Battement de paupière sans autre résultat. Troll reste soigneusement couché sur le dos, ventre offert aux caresses. C’est manifestement le seul effort dont il soit capable à cette heure.
Je lui passe la laisse et tire. À regret il condescend à se lever.
Un gros sachet de cacahouètes salées qui donnent soif.
Un match quelconque à la télé.
Une fois le matériel reçu, préparez-le en retirant les étiquettes et en le froissant comme s’il avait été porté.
Passez un coup de téléphone à Ed pour lui dire que votre télé vous a lâchée et que le temps que le réparateur vienne constater le décès, vous aimeriez bien venir voir le match chez lui.
Débarquez avec votre pack de bière et les cacahouètes.
Installez-vous tranquillement devant la télé, ouvrez les cacahouètes et les bières, patientez jusqu’au moment où Ed va ressentir le besoin pressant de se recueillir aux toilettes.
Profitez de son absence pour glisser entre les coussins du canapé le tanga et le soutien-gorge, de préférence à deux endroits différents.
Finissez tranquillement votre bière et rentrez chez vous.
Une fois Madame Ed revenue, profitez de la première occasion pour parler de l’article passionnant que vous avez lu dans le « Femme actuelle » (il faut citer une revue qui fasse référence auprès de la gent féminine pour emporter son adhésion) abandonné dans la salle d’attente de votre docteur, qui disait que 80 % des rhinites allergiques pouvaient être évitées en passant l’aspirateur dans les recoins, et notamment sous les coussins des canapés.
Reprenez une deuxième fois des lasagnes de Mme Ed, vous n’aurez sans doute plus l’occasion d’en manger à nouveau de sitôt.
Laissez mijoter tranquillement et attendez le coup de fil paniqué de Ed prétendant qu’il ne comprend pas pourquoi sa femme est partie.
Retournez le voir avec la fin des cacahouètes et une bouteille de whisky (inutile de prendre du bon, c’est pour offrir), laissez-le se murger et profitez-en pour lui faire les poches et rentrez chez vous.
En chemin, appelez Mme Ed sur son portable pour lui raconter l’état lamentable dans lequel vous avez trouvé son futur ex-mari, si vous sentez une ouverture, profitez-en pour lui filer rencard. Si tout se passe bien, pendant que vous lui faites son affaire, dites-lui que vous ne comprenez pas comment Ed, avec une vraie femme comme elle, a pu s’enticher du boudin avec un cul énorme et pas de poitrine que vous avez vu sortir de chez lui tout à l’heure.
Une fois fini, glissez-lui la carte de Me Tinkerbell, spécialisée en divorce, qui l’aidera à sortir de ce mariage désastreux, agrémentée en rouge de la mention « N’oubliez pas d’apporter tous les relevés de compte au premier rendez-vous« .
Rentrez chez vous avec la satisfaction du devoir accompli.
Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte. N’oubliez donc pas de commencer par le chapitre I au risque de ne pas tout comprendre.
Le choc.
Il n’arrivait pas à se souvenir du choc.
Pourtant il n’y avait pas pu ne pas y en avoir.
Silence.
Il sentit confusément la présence de la colonne de direction en travers de son ventre. Présence froide, immobile, plus indifférente qu’inamicale. Il n’arrivait pas à se faire à l’idée d’être encore en vie.
C’est marrant, on ne pense jamais au nombre de canalisations et de tuyaux divers que peut contenir un corps. Chacun charriant ses propres fluides sans jamais se mélanger.
Là, il y avait un drôle de morceau de métal en travers qui avait mis un putain de bordel dans la tuyauterie au point que même Luigi et Mario n’y retrouveraient pas leur yogi.
C’est étrange, on ne devrait pas pouvoir vivre avec un tel désordre à l’intérieur de soi.
– Ben t’as raison mon pote, on peut pas.
– Comment ça, je suis bien en vie moi.
– C’est là où tu te goures ma poule. Là t’es juste entre les deux, mais avec la meilleure volonté du monde on peut pas dire que t’es en vie.
– Comment ça je…
– Ben oui ma loute, va falloir t’y faire, t’as fait le grand saut. Tchao bella, arrivederchi tutti, so long, goodbye. Si tu pouvais te décider à larguer les amarres sans trop louvoyer, ça s’rait sympa, j’ai d’autres gonzes à finir pour faire mon quota.
– Ce n’est pas possible, pas au moment où je viens de trouver la femme de ma vie.
– Ça mon pote, c’est ta seconde gourance de la journée. Si tu réfléchis bien, c’est avec la femme de ta mort que t’avais rencard. Bon, c’est pas qu’y soit tard, mais j’ai du turf moi, alors si tu pouvais te magner et lâcher un bon coup ton enveloppe charnelle, comme qui disent là haut, ça s’rait fort aimable de ta part because que j’ai pas que ça à faire, j’ai un vrai métier moi.
– Il n’y a pas d’espoir alors ?
– Oh si mon lapin, tu penses bien, avec un bout de ferraille de 5 cm de diamètre en travers du bide, c’est sûr qui zont juste à faire deux soudures autour et tu pourras te relever. Tu s’ras mignon comme tout avec ton tuyau dans le bide mais tu risques d’avoir des soucis pour ce qui est de la position du missionnaire. À la limite, tu peux toujours te spécialiser dans la levrette, mais en gaffant de pas te pencher en avant sous peine d’assommer ta partenaire. Tu serais gentil d’arrêter de délirer, mon pote. Allez, on décolle.
– Ben comment ?
– Ça, comme disait le paternel, le coup de pied au cul c’est la psychanalyse du pauvre. Ben pour la mort c’est pareil, bouge pas.
– Il senti une secousse violente à l’endroit où se situait son arrière-train il y a encore peu. Impression d’être projeté en avant. Une espèce de spasme entre le rot et le hoquet.
– Bon, t’arrives?
Il regardait un peu désorienté les deux corps dans l’amas de ferraille.
– Et elle ?
– Ce n’est plus ton problème. Si ça peut te rassurer, elle est en vie. Pas en bon état, mais en vie. De toute façon, c’était une seconde main tu t’attendais pas à ce qu’elle soit dans l’état du neuf.
– Fin et délicat, merci.
– Bof, tu t’y feras. Les sentiments, maintenant, ça te passera avant que ça me reprenne. Bon, t’es gentil, tu remplis le bon de prise en charge, nom, prénom, sexe et tout s’qui s’enfuit.
La révélation lui tomba d’un coup.
– Mais, alors, c’est vous la mort ?
– Te prends pas la tête, le grand patron, c’est pas moi. J’suis juste lieutenant de ramassage dans la patrouille autoroutière. Et, j’te le dis tout de suite avant que tu poses la question, non, ya pas de grand livre, on patrouille et on ramasse. Yen avait bien un dans le temps, mais ya 3 ans y zont voulu tout informatiser. Bon, t’as fini tes travaux d’écriture que j’complète ?
– Alors ça veut dire qu’il y a quelque chose après la mort, un paradis, un enfer ?
– T’es boucharès ou quoi ? Moi, je ramasse, ce qui se passe après, c’est pas mon problème. Bon, allez, en voiture Simone, c’est moi qui conduis, c’est moi qui klaxonne. J’espère que t’as pas peur en moto? Cherche pas le casque, t’en as plus besoin. Pis ça va pas avec ton style de beauté. Allez zou, Géronimooooooooooo.
Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte. N’oubliez donc pas de commencer par le chapitre I au risque de ne pas tout comprendre.
Soleil.
Odeur de cuir neuf et de bonheur tout proche.
Ferme les yeux, tête renversée.
Écoute.
Petit bruit des talons, loin, moins loin, tout près. Portière ouverte.
Plouf de la valise sur la banquette arrière.
Portière fermée.
Froissement de la jupe sur le cuir du siège passager.
Odeur de cuir et de bonheur tout neuf.
Tendre le bras. Poser la main à la naissance de la nuque, l’attirer doucement et l’embrasser à pleine bouche sentir ses lèvres qui se donnent sans retenue sans plus de pudeur.
Goûter les larmes sur ses joues comme une victoire.
Démarrer.
Ronronner avec le moteur neuf.
Ouvrir les yeux.
Glisser jusqu’à la sortie du parking.
Tourner.
Partir.
Sortir de la ville.
Doucement, perdre la main entre ses cuisses.
Sentir la tête qui se pose sur l’épaule.
Odeurs d’herbes coupées.
Chaleur.
Sentir le souffle du bonheur ses lèvres sur le cou.
Respirer, se sentir vivant, tourner la tête pour l’embrasser.
Toucher sa bouche respirer son souffle aspirer son souffle.
Entendre l’avertisseur du camion comme une corne de brume grave lourde pressante.
En sursaut regarder devant tard trop tard la calandre comme un mur. La voiture déportée à gauche piler redresser trop tard.
Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte.
Il ne t’a fallu que le temps d’un café.
Les grains de poussière dansent dans le rayon de soleil de ce premier jour de vacances qui filtre à travers les persiennes. Fitz, le chat, ton chat, joue avec le bouchon du champagne. Dehors le monde, inutile, semble hésiter à s’éveiller, déjà assommé par la chaleur à venir.
Je regarde tomber les dernières gouttes de la cafetière. Elles sont claires, presque transparentes, comme si elles refusaient de laisser le café les colorer à son idée. Je les rêve rétives, froides, intransigeantes.
Les dernières volutes de ta cigarette à demi cassée dans un mouvement nerveux, colérique, tout à l’heure, en te levant. Depuis combien de temps as-tu recommencé à fumer. Ou n’était-ce que pour me faire un peu plus mal ?
Ta tasse est restée là, sur la table du petit déjeuner. Café sans sucre, toujours, et la marque du rouge à lèvres sur le bord. Je résiste à la tentation de poser les miennes par dessus.
Un sursaut me prend à l’estomac comme une houle. J’ai à peine le temps de courir aux toilettes et m’affaler à genoux la tête dans la cuvette. Fitz en profite pour entamer l’ascension de mon jean par l’arrière. Je sens à peine ses griffes traverser le tissu.
D’un coup je me mets à sangloter. Tu as vu comme j’ai bien tenu le coup ? Non, bien sûr, tu étais partie avant. J’ai entendu ton pas dehors, puis la portière d’une voiture qui claquait. Je n’ai pas même eu le courage de regarder pour voir avec qui. Cela a-t-il de l’importance ? Peut-être.
Il ne t’a fallu que le temps d’un café pour me prouver que tu ne m’aimais plus.
Froidement tu as posé tes conditions, sachant d’avance que je ne lutterai pas. Assommé je t’ai entendu dire que tu partais, sans moi, que tu serais de retour dans 3 semaines et que tu ne voulais pas me retrouver à la maison. Jamais tu ne m’avais parue aussi belle qu’à ce moment-là.
Je regarde sans les voir les deux billets d’avion que j’avais posés hier soir sur la table du petit déjeuner pour te faire la surprise. J’ai à peine touché à mon café. Il me semble que tu es partie depuis deux heures déjà. Troll pose le bout de son museau sur ma cuisse. Il lève ses grands yeux éternellement tristes dans la direction des tartines. Je lui en beurre une qu’il s’empresse d’emporter sur son tapis. Tu n’avais jamais oublié encore de lui donner sa tartine. À chaque fois je pestais te faisant remarquer qu’il mettait des miettes partout, et tu disais que c’était ton chien. Et aujourd’hui tu pars sans même lui faire une caresse.
Il ne t’a pas même fallu le temps d’une tasse de café pour me déchirer notre couple à coups de phrases tranchantes comme des lanières, précises, chirurgicales. Mes mains tremblent, je n’ose me resservir. Troll pousse un soupir et abandonne le tapis pour chercher la fraîcheur du carrelage. Je ferme les yeux. J’essaye de me persuader que tu vas bientôt te lever, sortir souriante de la chambre en déshabillé, toujours trop habillée à mon goût ; que tu vas approcher pour un baiser, que je vais vouloir te retenir plus près et que tu vas t’enfuir en riant pour te laisser rattraper sur le lit. Je ferme les yeux plus fort, encore. Comme si je ne t’avais pas trouvée ce matin déjà tirée à quatre épingles, ta valise devant la porte. Je garde les yeux fermés, encore, toujours. Bientôt tu vas arriver en silence et m’entourer de tes bras. Bientôt. Peut-être. Plus jamais.
Un mouvement, un frôlement, une respiration. Troll me donne de petits coups de truffe pour demander comment il se fait que personne ne l’ait encore fait descendre. Je pleure en lui caressant la tête. Doucement il me pousse encore du museau. « Donne-moi cinq minutes s’il te plaît ». Il me fixe, ne se donnant même pas la peine de faire semblant d’avoir compris. Au fond, c’est ce qui est reposant avec les chiens. Alors que les femmes, elles, sont persuadées de vous avoir compris, le chien, lui ne fait pas semblant. Il s’en tape et il assume.
Je m’essuie les yeux, génocide quelques mouchoirs à grands coups de morve, et décoche la laisse. Troll danse, s’il pouvait il chanterait.
Les articles de la catégorie Garbage Collector sont un ensemble de textes, chacun portant le nom d’un morceau qui l’a plus ou moins inspiré, le tout tentant de former une histoire cohérente.
À l’exception du fait que je n’ai jamais divorcé, que je n’ai pas d’enfant d’un autre mariage, ni même de fille, tous les évènements rapportés ici sont imaginairement autobiographiques. Autrement dit, ils ont dû arriver à quelqu’un, mais pas à moi.
Elle est belle, intelligente, elle rit à vos blagues ; ce qui prouve plus une forte tendance à l’indulgence ou un mauvais goût très sûr, mais passons.
Vous sentez que vous allez enfin pouvoir passer
votre vie,
un bon moment
deux semaines de vacances
cinq minutes douche comprise
(rayez les mentions inutiles) avec elle.
Ce soir c’est le grand soir. Après l’avoir amenée voir le dernier film français sans Depardieu, Clavier ni Kad Mérad, vous avez tenté de l’éblouir en l’emmenant manger dans le dernier concept à la mode où il vous a fallu soudoyer le maître d’hôtel pour avoir la dernière table stratégiquement située entre la cuisine et les toilettes. Malgré les 17 fois où les serveurs pressés ont marché sur le bas de sa veste et les 9 euros 50 laissés sur votre table par des clients étourdis sortants des toilettes, vous sentez que le moment est propice pour envisager enfin d’ouvrir le paquet de préservatifs extra fins parfum fraise sauvage abandonnés par la dernière donzelle qui vous a plaqué au bout de 3 semaines en hurlant « je ne suis pas ta bonne, t’as qu’à faire le ménage toi-même » ; ce qui vous avait plongé à l’époque dans des abymes de perplexité dont vous n’êtes toujours pas sorti.
La lune est pleine, la lueur qui brille dans les yeux de la dame vous laisse envisager une issue érotique favorable, et au moment où le serveur vous apporte l’addition, elle fouille dans son réticule pour en ressortir un nécessaire à maquillage et aller se repoudrer aux toilettes, car la demoiselle bien éduquée sait s’éclipser pour laisse l’homme affronter son destin et faire chauffer la carte bancaire. C’est là que vous apercevez au fond du sac, entre un trousseau de clefs, deux protège-strings et une poignée de petite monnaie, roulée en boule, une robe noire avec un jabot blanc.
Là, trois hypothèses défilent immédiatement à votre esprit que nous allons analyser de la plus simple à la plus complexe.
Un, c’est la fille de Darth Vador. Hypothèse peu probable et qui laisse à augurer de situations gênantes lorsqu’elle va vouloir vous présenter ses parents. C’est un nid à gaffes du style « Bonsoir M. Vador, j’aime beaucoup ce que vous faites » ou « Et l’étoile de la mort, alors, elle monte à combien sur autoroute ? Ça doit sucer un max, non ? Et sinon, génie du mal c’était une vocation chez vous ou c’est une tradition dans la famille ? ».
Disons-le tout de suite, dans cette situation, vos chances de survie étant infiniment faibles, vous avez peu de souci à vous faire. Pensez quand même à mettre vos affaires en ordre rapidement.
Deux, vous êtes tombé sur la nouvelle prochaine grande chanteuse à petite robe noire, qui va bientôt être aussi célèbre que Juliette Gréco ou Barbara. Donc une perfectionniste qui exigera au lit que vous recommenciez encore et encore jusqu’à ce que la prestation soit parfaite et digne d’être réalisée sur scène, le tout en faisant des vocalises sur 3 octaves. Si vous avez l’endurance nécessaire et des voisins sourds, foncez.
Trois, et c’est la situation qui demande le plus de doigté, vous êtes tombé sur une avocate. Si votre vie n’est pas, a priori, immédiatement en danger, un certain nombre de précautions doivent néanmoins être prises pour pouvoir survivre à moyen terme.
En premier lieu, ne vous faites aucune illusion.
Tout ce que vous direz sera retenu contre vous.
Tout ce que vous ne direz pas sera aussi compté à charge.
Pire, tout ce que vous auriez dû dire et avez oublié vous sera compté triple.
Partez donc du principe que c’est de votre faute, même, et surtout, si vous ne savez pas ce qui vous est reproché. Acquiescez, louvoyez, mais n’avouez jamais, elle vous compterait ça comme une faute inexcusable.
En second lieu, apprenez à vous exprimer de façon à être compris.
Ne remarquez pas qu’elle est en retard, demandez-lui pourquoi elle a été retenue.
Si elle annule un rendez-vous ou une soirée, demandez toujours la date du renvoi.
Si vous allez chercher un chariot pour faire des courses, ne lui demandez jamais si elle a des pièces à fournir.
Au lit, tout commencement d’exécution doit être mené à bonne fin, sauf interruption par un événement extérieur.
Toute relation sexuelle doit être regardée comme synallagmatique, tout manquement d’une des parties pouvant entraîner l’exception d’inexécution par l’autre partie.
Dites-vous bien que si on lie les bœufs par les cornes et les hommes par les contrats, ce sont toujours les mêmes qui portent les cornes.
Quelques particularités peuvent varier en fonction des spécialités.
Si elle est spécialisée en droit administratif et qu’elle vous quitte, vous pouvez toujours demander un sursis à exécution pour trouble dans les conditions d’existence, mais à condition d’avoir touché le fond.
Si elle s’occupe de droit des étrangers, il ne faut jamais, mais alors jamais, prendre la dernière feuille de papier aux toilettes. Se retrouver sans papier ne la fait absolument pas rire.
Si elle est dans l’immobilier, quand elle parle de parties privatives, ce n’est absolument pas aux vôtres qu’elle pense.
Et surtout, ne vous faites aucune illusion, le nemo auditur propriam turpitudinem allegans s’applique à tous, sauf à elle. Elle adore qu’on soit en extase devant ses exploits. Parlez-lui d’elle, elle vous écoutera.