Il s’agit ici d’un texte à contrainte. Les mots à utiliser, dus à @cecileroriguez étaient décapsuler – soleil – bisounours – pépinière et RCT. Pour toute réclamation, prière de vous adresser à elle.
« Longtemps, je me suis touchée deux bonnes heures ». Poussant un soupir à mi-chemin entre l’exaspération et la lassitude, Céline reposa le manuscrit sur le banc après avoir annoté en rouge sur la première page « Sapho au pays des Bisounours. Envoyer au rewriting ». Souvent, elle se disait que son passé de prof de lettres la poursuivrait jusqu’à la tombe.
Cette idée la fit sourire. Elle se demanda si ses anciens élèves savaient qu’à présent elle dirigeait une petite maison d’édition spécialisée dans les romans à l’eau de rose pour lesbiennes, et si oui, quelle pouvait bien être leur réaction, puis décida qu’elle s’en fichait.
Sur le terrain, le match était arrêté. L’arbitre désigna les poteaux.
La demi d’ouverture courut chercher le tee sur le bord du terrain. Ici, ce n’était ni le stade, ni le RCT où une maquette radio commandée apportait l’accessoire. De toute façon, vu l’état du terrain, l’engin aurait bien été incapable d’arriver à bon port sans se renverser. Regardant revenir la joueuse, Céline ressentit une bouffée d’émotion l’envahir, ce n’était pas qu’une demi, c’était sa demi, sa moitié. D’ailleurs, si ça n’avait été pour elle, jamais elle ne serait venue s’asseoir en plein soleil sur un banc d’une propreté douteuse au bord d’un terrain miteux gentiment mis à disposition des féminines par l’équipe première, et qu’il fallait partager avec le centre de formation, la pépinière des futures vedettes. Les petits cons avaient arrêté de les prendre de haut le jour où les filles leur avaient passé 40 points et 5 essais. Faut bien dire aussi que le jeune mâle ne sait plus faire un plaquage haut quand il se retrouve face à une paire de seins, alors que les filles, elles, n’hésitent pas à découper un première ligne qui se trouve malencontreusement placé sur leur trajet.
La demi s’élança. Le ballon fila dans les airs en direction des poteaux, mais une saute de vent le fit dévier au dernier moment. L’arbitre siffla, le match était perdu.
Carole accourut, luisante de transpiration.
- Tu es repoussante, ma chérie.
- J’espère que tu as pris de quoi décapsuler une bouteille, je meurs de soif.
- Non, mais j’ai mieux à te proposer, dit Céline, détachant la crinière de Carole.
Elle posa ses lèvres sur celles de Carole, et l’embrassa longuement.
- Viens, on rentre, j’ai trop envie.
- File prendre ta douche, il est hors de question que tu montes dans ma voiture dans cet état.
- Méchante.
- Allez, file, plus vite tu auras fini, plus vite on sera à la maison.
Carole partit en courant, ses cheveux défaits au vent.
Céline regardait les fesses de Carole. Cette petite, comme on dit chez moi, quand elle marche, elle a le cul qui chante, et ce n’est pas une chanson triste. Elle ramassa ses affaires, jeta le manuscrit quelque part dans son immense sac, rajusta ses lunettes de soleil et se dirigea vers la voiture. La troisième mi-temps s’annonçait bien, autant éviter de perdre plus de temps.