Il était une fois une petite fille qui n’avait pas de nom et qui vivait dans une famille très, très pauvre. Elle ne se trouvait pas heureuse. Elle reçut pour son anniversaire une baguette de pain.
Un soir, elle s’enfuit de sa maison, sous les yeux de ses parents encore éveillés, mais qui s’en fichaient. La petite fille avait un but précis. Plutôt que de ne pas bouger, avoir des crampes et mendier, elle préférait marcher. Marcher tout droit, sans jamais changer de direction et vivre en s’alimentant de la baguette.
Un jour, elle rencontra par malheur un mur, trop haut pour l’escalader. Elle se dit que peut-être en grandissant, elle pourrait un jour passer le mur d’un simple pas. Alors elle attendit assise contre le mur. Sa baguette commençait à devenir toute petite. C’est là où elle réalisa qu’elle ne grandissait pas, et que sa baguette ne la nourrirait pas plus d’un mois. Elle pleura. La tête sur ses genoux, les bras enveloppant ses jambes.
Tout à coup, elle entendit un petit bruit d’oiseau qui était très proche d’elle. Elle leva la tête et le vit. Le petit oiseau la regardait avec envie.
– Que fais-tu ici? demanda le petit oiseau.
– Je dois traverser le mur, mais je suis trop petite, répondit-elle.
– Tu n’as qu’à le contourner.
– Je ne peux pas.
– Pourquoi ?
– Je me suis dit que je devais marcher toute ma vie en allant tout droit. C’est mon arrière-grand-père qui me l’avait conseillé avant de mourir alors que je n’avais que 4 ans : « Dans ta vie, choisis un chemin, ne change jamais, mais prends le bon. ». Et je n’ai que ce quignon de pain qui me reste pour me nourrir.
– Je comprends mieux. Moi et ma famille sommes en manque de nourriture. Si tu nous donnes ton quignon de pain, nous te transporterons derrière ce mur et tu pourras continuer ta route.
Elle accepta. Le petit oiseau s’envola et revint bientôt avec un grand nuage d’oiseaux derrière lui. La petite fille leur donna le quignon de pain. Aussitôt fait, les oiseaux la prirent par les manches de son tricot troué et la voilà dans le ciel avec eux. C’était le bonheur absolu.
Derrière ce mur se cachait un immense champ de coquelicots. Le soleil se reflétait dans ses yeux. La petite fille atterrit délicatement et tous les oiseaux partirent, sauf un. C’était celui qui l’avait découverte. Elle reprit sa marche. Petit oiseau sur son épaule. Elle était heureuse pour la première et dernière fois de sa vie. Tout à coup, la petite fille tomba raide, blême d’épuisement. Le petit oiseau sauta de son épaule et se mit à terre. Il vit la petite fille allongée sur les fleurs. Soudain, son corps se mit à disparaître petit à petit. Bien vite, il ne resta plus qu’un petit cœur rouge. Il lui poussa quatre petites tiges doucement. Deux devinrent des bras, terminés par deux adorables petites mains. Ainsi que deux petites jambes, au bout desquelles se trémoussèrent huit petits orteils. Le cœur se releva et marcha. Le petit oiseau interloqué continua son chemin avec le petit cœur dans le magnifique champ de coquelicots.
Bientôt ils s’assirent tous deux au bord de la mer et regardèrent le soleil couchant.