mars 24th, 2012

Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte. N’oubliez donc pas de commencer par le chapitre I au risque de ne pas tout comprendre.

Le choc.

Il n’arrivait pas à se souvenir du choc.

Pourtant il n’y avait pas pu ne pas y en avoir.

Silence.

Il sentit confusément la présence de la colonne de direction en travers de son ventre. Présence froide, immobile, plus indifférente qu’inamicale. Il n’arrivait pas à se faire à l’idée d’être encore en vie.

C’est marrant, on ne pense jamais au nombre de canalisations et de tuyaux divers que peut contenir un corps. Chacun charriant ses propres fluides sans jamais se mélanger.

Là, il y avait un drôle de morceau de métal en travers qui avait mis un putain de bordel dans la tuyauterie au point que même Luigi et Mario n’y retrouveraient pas leur yogi.

C’est étrange, on ne devrait pas pouvoir vivre avec un tel désordre à l’intérieur de soi.

– Ben t’as raison mon pote, on peut pas.

– Comment ça, je suis bien en vie moi.

– C’est là où tu te goures ma poule. Là t’es juste entre les deux, mais avec la meilleure volonté du monde on peut pas dire que t’es en vie.

– Comment ça je…

– Ben oui ma loute, va falloir t’y faire, t’as fait le grand saut. Tchao bella, arrivederchi tutti, so long, goodbye. Si tu pouvais te décider à larguer les amarres sans trop louvoyer, ça s’rait sympa, j’ai d’autres gonzes à finir pour faire mon quota.

– Ce n’est pas possible, pas au moment où je viens de trouver la femme de ma vie.

– Ça mon pote, c’est ta seconde gourance de la journée. Si tu réfléchis bien, c’est avec la femme de ta mort que t’avais rencard. Bon, c’est pas qu’y soit tard, mais j’ai du turf moi, alors si tu pouvais te magner et lâcher un bon coup ton enveloppe charnelle, comme qui disent là haut, ça s’rait fort aimable de ta part because que j’ai pas que ça à faire, j’ai un vrai métier moi.

– Il n’y a pas d’espoir alors ?

– Oh si mon lapin, tu penses bien, avec un bout de ferraille de 5 cm de diamètre en travers du bide, c’est sûr qui zont juste à faire deux soudures autour et tu pourras te relever. Tu s’ras mignon comme tout avec ton tuyau dans le bide mais tu risques d’avoir des soucis pour ce qui est de la position du missionnaire. À la limite, tu peux toujours te spécialiser dans la levrette, mais en gaffant de pas te pencher en avant sous peine d’assommer ta partenaire. Tu serais gentil d’arrêter de délirer, mon pote. Allez, on décolle.

– Ben comment ?

– Ça, comme disait le paternel, le coup de pied au cul c’est la psychanalyse du pauvre. Ben pour la mort c’est pareil, bouge pas.

– Il senti une secousse violente à l’endroit où se situait son arrière-train il y a encore peu. Impression d’être projeté en avant. Une espèce de spasme entre le rot et le hoquet.

– Bon, t’arrives?

Il regardait un peu désorienté les deux corps dans l’amas de ferraille.

– Et elle ?

– Ce n’est plus ton problème. Si ça peut te rassurer, elle est en vie. Pas en bon état, mais en vie. De toute façon, c’était une seconde main tu t’attendais pas à ce qu’elle soit dans l’état du neuf.

– Fin et délicat, merci.

– Bof, tu t’y feras. Les sentiments, maintenant, ça te passera avant que ça me reprenne. Bon, t’es gentil, tu remplis le bon de prise en charge, nom, prénom, sexe et tout s’qui s’enfuit.

La révélation lui tomba d’un coup.

– Mais, alors, c’est vous la mort ?

– Te prends pas la tête, le grand patron, c’est pas moi. J’suis juste lieutenant de ramassage dans la patrouille autoroutière. Et, j’te le dis tout de suite avant que tu poses la question, non, ya pas de grand livre, on patrouille et on ramasse. Yen avait bien un dans le temps, mais ya 3 ans y zont voulu tout informatiser. Bon, t’as fini tes travaux d’écriture que j’complète ?

– Alors ça veut dire qu’il y a quelque chose après la mort, un paradis, un enfer ?

– T’es boucharès ou quoi ? Moi, je ramasse, ce qui se passe après, c’est pas mon problème. Bon, allez, en voiture Simone, c’est moi qui conduis, c’est moi qui klaxonne. J’espère que t’as pas peur en moto? Cherche pas le casque, t’en as plus besoin. Pis ça va pas avec ton style de beauté. Allez zou, Géronimooooooooooo.

 

 

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mars 23rd, 2012

Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte. N’oubliez donc pas de commencer par le chapitre I au risque de ne pas tout comprendre.

Soleil.

Odeur de cuir neuf et de bonheur tout proche.

Ferme les yeux, tête renversée.

Écoute.

Petit bruit des talons, loin, moins loin, tout près. Portière ouverte.

Plouf de la valise sur la banquette arrière.

Portière fermée.

Froissement de la jupe sur le cuir du siège passager.

Odeur de cuir et de bonheur tout neuf.

Tendre le bras. Poser la main à la naissance de la nuque, l’attirer doucement et l’embrasser à pleine bouche sentir ses lèvres qui se donnent sans retenue sans plus de pudeur.

Goûter les larmes sur ses joues comme une victoire.

Démarrer.
Ronronner avec le moteur neuf.

Ouvrir les yeux.

Glisser jusqu’à la sortie du parking.

Tourner.

Partir.

Sortir de la ville.

Doucement, perdre la main entre ses cuisses.
Sentir la tête qui se pose sur l’épaule.

Odeurs d’herbes coupées.
Chaleur.

Sentir le souffle du bonheur ses lèvres sur le cou.

Respirer, se sentir vivant, tourner la tête pour l’embrasser.

Toucher sa bouche respirer son souffle aspirer son souffle.

Entendre l’avertisseur du camion comme une corne de brume grave lourde pressante.

En sursaut regarder devant tard trop tard la calandre comme un mur. La voiture déportée à gauche piler redresser trop tard.

Choc bruit cris.

Silence.

Silences.

Sentir le froid monter doucement.

Immobile.

Froid.

Seul.

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mars 21st, 2012

Rappel : le principe des textes classés dans la catégorie Garbage collector veut que chaque texte soit inspiré par une chanson, l’ensemble des textes devant former un tout cohérent. Dans ma mesure du possible, la chanson est incluse en fin de texte.

 

Il ne t’a fallu que le temps d’un café.

Les grains de poussière dansent dans le rayon de soleil de ce premier jour de vacances qui filtre à travers les persiennes. Fitz, le chat, ton chat, joue avec le bouchon du champagne. Dehors le monde, inutile, semble hésiter à s’éveiller, déjà assommé par la chaleur à venir.

Je regarde tomber les dernières gouttes de la cafetière. Elles sont claires, presque transparentes, comme si elles refusaient de laisser le café les colorer à son idée. Je les rêve rétives, froides, intransigeantes.

Les dernières volutes de ta cigarette à demi cassée dans un mouvement nerveux, colérique, tout à l’heure, en te levant. Depuis combien de temps as-tu recommencé à fumer. Ou n’était-ce que pour me faire un peu plus mal ?

Ta tasse est restée là, sur la table du petit déjeuner. Café sans sucre, toujours, et la marque du rouge à lèvres sur le bord. Je résiste à la tentation de poser les miennes par dessus.

Un sursaut me prend à l’estomac comme une houle. J’ai à peine le temps de courir aux toilettes et m’affaler à genoux la tête dans la cuvette. Fitz en profite pour entamer l’ascension de mon jean par l’arrière. Je sens à peine ses griffes traverser le tissu.

D’un coup je me mets à sangloter. Tu as vu comme j’ai bien tenu le coup ? Non, bien sûr, tu étais partie avant. J’ai entendu ton pas dehors, puis la portière d’une voiture qui claquait. Je n’ai pas même eu le courage de regarder pour voir avec qui. Cela a-t-il de l’importance ? Peut-être.

Il ne t’a fallu que le temps d’un café pour me prouver que tu ne m’aimais plus.

Froidement tu as posé tes conditions, sachant d’avance que je ne lutterai pas. Assommé je t’ai entendu dire que tu partais, sans moi, que tu serais de retour dans 3 semaines et que tu ne voulais pas me retrouver à la maison. Jamais tu ne m’avais parue aussi belle qu’à ce moment-là.

Je regarde sans les voir les deux billets d’avion que j’avais posés hier soir sur la table du petit déjeuner pour te faire la surprise. J’ai à peine touché à mon café. Il me semble que tu es partie depuis deux heures déjà. Troll pose le bout de son museau sur ma cuisse. Il lève ses grands yeux éternellement tristes dans la direction des tartines. Je lui en beurre une qu’il s’empresse d’emporter sur son tapis. Tu n’avais jamais oublié encore de lui donner sa tartine. À chaque fois je pestais te faisant remarquer qu’il mettait des miettes partout, et tu disais que c’était ton chien. Et aujourd’hui tu pars sans même lui faire une caresse.

Il ne t’a pas même fallu le temps d’une tasse de café pour me déchirer notre couple à coups de phrases tranchantes comme des lanières, précises, chirurgicales. Mes mains tremblent, je n’ose me resservir. Troll pousse un soupir et abandonne le tapis pour chercher la fraîcheur du carrelage. Je ferme les yeux. J’essaye de me persuader que tu vas bientôt te lever, sortir souriante de la chambre en déshabillé, toujours trop habillée à mon goût ; que tu vas approcher pour un baiser, que je vais vouloir te retenir plus près et que tu vas t’enfuir en riant pour te laisser rattraper sur le lit. Je ferme les yeux plus fort, encore. Comme si je ne t’avais pas trouvée ce matin déjà tirée à quatre épingles, ta valise devant la porte. Je garde les yeux fermés, encore, toujours. Bientôt tu vas arriver en silence et m’entourer de tes bras. Bientôt. Peut-être. Plus jamais.

Un mouvement, un frôlement, une respiration. Troll me donne de petits coups de truffe pour demander comment il se fait que personne ne l’ait encore fait descendre. Je pleure en lui caressant la tête. Doucement il me pousse encore du museau. « Donne-moi cinq minutes s’il te plaît ». Il me fixe, ne se donnant même pas la peine de faire semblant d’avoir compris. Au fond, c’est ce qui est reposant avec les chiens. Alors que les femmes, elles, sont persuadées de vous avoir compris, le chien, lui ne fait pas semblant. Il s’en tape et il assume.

Je m’essuie les yeux, génocide quelques mouchoirs à grands coups de morve, et décoche la laisse. Troll danse, s’il pouvait il chanterait.

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mars 21st, 2012

Les articles de la catégorie Garbage Collector sont un ensemble de textes, chacun portant le nom d’un morceau qui l’a plus ou moins inspiré, le tout tentant de former une histoire cohérente.

À l’exception du fait que je n’ai jamais divorcé, que je n’ai pas d’enfant d’un autre mariage, ni même de fille, tous les évènements rapportés ici sont imaginairement autobiographiques. Autrement dit, ils ont dû arriver à quelqu’un, mais pas à moi.

Ou alors je ne m’en suis pas aperçu.

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mars 20th, 2012

Ça y est. Vous l’avez enfin trouvée.

Elle est belle, intelligente, elle rit à vos blagues ; ce qui prouve plus une forte tendance à l’indulgence ou un mauvais goût très sûr, mais passons.

Vous sentez que vous allez enfin pouvoir passer

  •     votre vie,
  •     un bon moment
  •     deux semaines de vacances
  •     cinq minutes douche comprise

(rayez les mentions inutiles) avec elle.

Ce soir c’est le grand soir. Après l’avoir amenée voir le dernier film français sans Depardieu, Clavier ni Kad Mérad, vous avez tenté de l’éblouir en l’emmenant manger dans le dernier concept à la mode où il vous a fallu soudoyer le maître d’hôtel pour avoir la dernière table stratégiquement située entre la cuisine et les toilettes. Malgré les 17 fois où les serveurs pressés ont marché sur le bas de sa veste et les 9 euros 50 laissés sur votre table par des clients étourdis sortants des toilettes, vous sentez que le moment est propice pour envisager enfin d’ouvrir le paquet de préservatifs extra fins parfum fraise sauvage abandonnés par la dernière donzelle qui vous a plaqué au bout de 3 semaines en hurlant « je ne suis pas ta bonne, t’as qu’à faire le ménage toi-même » ; ce qui vous avait plongé à l’époque dans des abymes de perplexité dont vous n’êtes toujours pas sorti.

La lune est pleine, la lueur qui brille dans les yeux de la dame vous laisse envisager une issue érotique favorable, et au moment où le serveur vous apporte l’addition, elle fouille dans son réticule pour en ressortir un nécessaire à maquillage et aller se repoudrer aux toilettes, car la demoiselle bien éduquée sait s’éclipser pour laisse l’homme affronter son destin et faire chauffer la carte bancaire. C’est là que vous apercevez au fond du sac, entre un trousseau de clefs, deux protège-strings et une poignée de petite monnaie, roulée en boule, une robe noire avec un jabot blanc.

Là, trois hypothèses défilent immédiatement à votre esprit que nous allons analyser de la plus simple à la plus complexe.

Un, c’est la fille de Darth Vador. Hypothèse peu probable et qui laisse à augurer de situations gênantes lorsqu’elle va vouloir vous présenter ses parents. C’est un nid à gaffes du style « Bonsoir M. Vador, j’aime beaucoup ce que vous faites » ou « Et l’étoile de la mort, alors, elle monte à combien sur autoroute ? Ça doit sucer un max, non ? Et sinon, génie du mal c’était une vocation chez vous ou c’est une tradition dans la famille ? ».

Disons-le tout de suite, dans cette situation, vos chances de survie étant infiniment faibles, vous avez peu de souci à vous faire. Pensez quand même à mettre vos affaires en ordre rapidement.

Deux, vous êtes tombé sur la nouvelle prochaine grande chanteuse à petite robe noire, qui va bientôt être aussi célèbre que Juliette Gréco ou Barbara. Donc une perfectionniste qui exigera au lit que vous recommenciez encore et encore jusqu’à ce que la prestation soit parfaite et digne d’être réalisée sur scène, le tout en faisant des vocalises sur 3 octaves. Si vous avez l’endurance nécessaire et des voisins sourds, foncez.

Trois, et c’est la situation qui demande le plus de doigté, vous êtes tombé sur une avocate. Si votre vie n’est pas, a priori, immédiatement en danger, un certain nombre de précautions doivent néanmoins être prises pour pouvoir survivre à moyen terme.

En premier lieu, ne vous faites aucune illusion.

Tout ce que vous direz sera retenu contre vous.

Tout ce que vous ne direz pas sera aussi compté à charge.

Pire, tout ce que vous auriez dû dire et avez oublié vous sera compté triple.

Partez donc du principe que c’est de votre faute, même, et surtout, si vous ne savez pas ce qui vous est reproché. Acquiescez, louvoyez, mais n’avouez jamais, elle vous compterait ça comme une faute inexcusable.

En second lieu, apprenez à vous exprimer de façon à être compris.

  •     Ne remarquez pas qu’elle est en retard, demandez-lui pourquoi elle a été retenue.
  •     Si elle annule un rendez-vous ou une soirée, demandez toujours la date du renvoi.
  •     Si vous allez chercher un chariot pour faire des courses, ne lui demandez jamais si elle a des pièces à fournir.
  •     Au lit, tout commencement d’exécution doit être mené à bonne fin, sauf interruption par un événement extérieur.
  •     Toute relation sexuelle doit être regardée comme synallagmatique, tout manquement d’une des parties pouvant entraîner l’exception d’inexécution par l’autre partie.
  •     Dites-vous bien que si on lie les bœufs par les cornes et les hommes par les contrats, ce sont toujours les mêmes qui portent les cornes.

Quelques particularités peuvent varier en fonction des spécialités.

  •     Si elle est spécialisée en droit administratif et qu’elle vous quitte, vous pouvez toujours demander un sursis à exécution pour trouble dans les conditions d’existence, mais à condition d’avoir touché le fond.
  •     Si elle s’occupe de droit des étrangers, il ne faut jamais, mais alors jamais, prendre la dernière feuille de papier aux toilettes. Se retrouver sans papier ne la fait absolument pas rire.
  •     Si elle est dans l’immobilier, quand elle parle de parties privatives, ce n’est absolument pas aux vôtres qu’elle pense.

Et surtout, ne vous faites aucune illusion, le nemo auditur propriam turpitudinem allegans s’applique à tous, sauf à elle. Elle adore qu’on soit en extase devant ses exploits. Parlez-lui d’elle, elle vous écoutera.

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décembre 22nd, 2010

La France est signataire de la Charte Sociale Européenne depuis le 7 mai 1999. À ce titre, elle devait fournir au Conseil de l’Europe un rapport sur la façon dont elle applique la Charte en matière de droit du travail sur la période 2005-2008. Elle l’a rendu, avec retard, le 15/12/2009, et devait en rendre un autre sur le thème « Enfants, familles, migrants » le 31/10/2010, où sera examinée notamment la problématique du droit au logement.

Le Comité Européen des Droits Sociaux a rendu ses conclusions sur la façon dont la France a appliqué la Charte sur cette période. Il relève 6 points sur lesquels l’application du droit du travail en France n’est pas conforme à la Charte, et réserve ses conclusions sur plusieurs points dans l’attente de précisions ultérieures.

Si la presse s’est fait l’écho des critiques du Comité en matière de temps de travail des cadres, ces conclusions révèlent d’autres critiques et interrogations tout aussi pertinentes en matière de droit syndical, de protection des salariés protégés, de congés payés et ouvrent même des pistes en matière de représentativité.

I) Le temps de travail et la rémunération des cadres en forfait jour.

Le Comité relève que la France ne respecte pas l’article 2§1 de la Charte révisée pour les motifs suivants:

  • la durée hebdomadaire de travail autorisée pour les cadres soumis au régime de forfait annuel en jours est excessive et les garanties juridiques offertes par le système de conventions collectives sont insuffisantes;
  • les astreintes durant lesquelles aucun travail effectif n’est réalisé sont assimilées à des périodes de repos.

En effet, la stricte application des règles actuellement en vigueur peut conduire un cadre en forfait jours à travailler jusqu’à 78 heures par semaine (six fois treize heures, en toute légalité). Cette durée est manifestement excessive et ne pouvait pas en conséquence être qualifiée de raisonnable au sens de l’article 2§1 de la Charte révisée. Il a également noté que la loi du 20 août 2008 n’impose pas que les conventions collectives prévoient une durée maximale, journalière et hebdomadaire. Ceci est désormais essentiellement traité à l’occasion d’un entretien annuel d’un travailleur avec son employeur (article L. 3121-46) et d’une consultation annuelle du comité d’entreprise (article L.2323-29). Le Comité considère que, de ce fait, la procédure de négociation collective n’offre pas de garanties suffisantes pour que l’article 2§1 soit respecté.

Pour se mettre en conformité, il faudra donc que la France prenne des dispositions pour fixer, à défaut d’indication dans la convention collective, une durée maximale hebdomadaire s’appliquant aussi aux forfaits jours, et d’autres imposant la compensation des astreintes, même lorsqu’aucune intervention n’a été faite, car l’assimilation des périodes d’astreinte au temps de repos constitue une violation du droit à une durée raisonnable du travail prévue par l’article 2§1 de la Charte révisée.

Ce non-respect de l’article 2§1 a des conséquences sur l’article 4§2. En effet, le comité constate que les heures de travail effectuées par les salariés soumis au système de forfait en jours qui ne bénéficient, au titre de la flexibilité de la durée du travail, d’aucunes majoration de rémunération, sont anormalement élevées. Il considère aussi que la période d’un an prévue en matière de modulation par la loi du 20 août 2008 est excessive.

Cela a pour conséquence, puisque le forfait jours intègre un certain nombre d’heures supplémentaires, il va donc falloir désormais le contractualiser et préciser combien d’heures supplémentaires sont forfaitisées et instaurer une période de décompte « raisonnable » pour arrêter les compteurs et voir combien d’heures supplémentaires majorées sont dues.

On peut aussi s’interroger sur la validité, au regard de l’article 4§2 de la Charte des systèmes de modulation / annualisation qui prennent pour référence l’année ainsi que sur la validité des forfaits heures sur une base annuelle, puisque les heures supplémentaires (celles effectuées au delà de 1607 heures) ne sont décomptées qu’en fin d’année.

II) Le droit à report des congés annuels.

Le Comité considère que la Charte révisée impose que les travailleurs puissent prendre à un autre moment les jours de congé «perdus» à la suite d’une maladie ou d’un accident, de façon à bénéficier de la durée minimale obligatoire de quatre semaines de congé par an. Il constate que la France « oublie » de répondre par deux fois à la question de savoir si la grande majorité des travailleurs est protégée par voie de convention collective ou autre sur ce point. Il note que si la Cour de cassation s’est prononcée le 24/02/2009 sur ce principe et a décidé que les congés payés acquis durant une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle doivent être reportés après la date de reprise du travail; cet arrêt ne concerne pas les agents publics et est intervenu au delà de la période examinée.

En conséquence, le Comité conclut que la situation de la France n’est pas conforme à l’article 2§3 de la Charte révisée au motif qu’il n’est pas établi que le droit au report du congé payé annuel en cas de maladie ou d’accident est garanti.

III) Le délai de préavis.

L’article L 1234-1du Code du travail établi un socle minimal en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée à l’initiative de l’employeur pour un motif autre que la faute grave, comme suit :

  • le travailleur dont l’ancienneté est comprise entre 6 mois et 2 ans bénéficiera d’un mois de préavis ;
  • le travailleur dont l’ancienneté est supérieure à 2 ans aura un préavis de deux mois.

Le Comité conclut que la situation de la France n’est pas conforme à l’article 4§4 de la Charte révisée au motif que deux mois de préavis ne sont pas un délai de préavis raisonnable pour les employés avec plus de quinze ans d’ancienneté.

Pour se mettre en conformité, il faudra donc qu’un 3e palier légal soit prévu avec un préavis supérieur à deux mois pour les salariés ayant plus de 15 ans d’ancienneté.

IV) Le droit syndical.

La situation de la France est jugée non conforme à l’article 5 à cause de la survivance d’un monopole syndical de fait dans le secteur du livre. Au-delà ce cet aspect, la question se posait aussi de la conformité de la réforme de la représentativité introduite par la loi du 20 août 2008 avec la Charte.

Le Comité valide la position de la Cour de Cassation qui a déclaré la réforme conforme à la Charte sur le point de savoir si les critères fixés sont « clairs, préétablis, objectifs et imposés par la loi, et qu’ils peuvent donner lieu à un contrôle juridictionnel ». En revanche, pour ce qui est de leur caractère raisonnable de ces critères, le Comité note que plusieurs syndicats ont critiqué la réforme, en particulier les seuils qu’ils ont jugés excessivement élevés. Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation a considéré que le palier de 10 % ne porte pas atteinte à la jouissance de la liberté syndicale garantie par l’article 5 de la Charte. On peut s’étonner d’ailleurs que la Cour de Cassation, alors que les partis politiques ont eux un seuil de 5 % dont l’atteinte leur permet d’accéder au financement public, ait estimé qu’était raisonnable pour les syndicats un seuil de 10 % permettant d’accéder à… rien. Si ce n’est le droit de pouvoir faire son travail d’organisation syndicale.

Le Comité, lui, n’en est pas si sûr, et il examinera les conséquences de l’application de cette nouvelle disposition sur l’exercice de la liberté syndicale dans les mois et années à venir et, entre temps, il réserve sa position sur ce point.

Pour les autres nouveautés introduites par la loi du 20 août 2008 (nouveaux acteurs de la négociation collective et règles de validité des accords collectifs reposant sur une validation par les suffrages des salariés), puisqu’elles sont devenues opérationnelles seulement après la période de référence (1/1/2005 au 31/12/2008), le Comité en appréciera la portée lors de son prochain examen de la situation de la France au titre de l’article 6§2. Il souhaite donc que le prochain rapport apporte des précisions concernant ces nouveautés et leur application concrète.

La France n’obtient donc pas quitus sur ce point, et il est possible qu’à l’avenir, une décision de non-conformité à l’article 5 du seuil de 10 % vienne bouleverser à nouveau la représentativité syndicale et la négociation collective.

V) Le droit de grève.

Le Comité a précédemment considéré que le fait de réserver la possibilité de déclencher une grève dans le secteur public aux organisations syndicales les plus représentatives constitue une restriction du droit de grève non conforme à l’article 6§4 de la Charte révisée. Il ressort du rapport que les amendements au Code du travail ont certes simplifié le libellé de cette exigence, mais n’ont pas modifié la règle en vertu de laquelle seuls les syndicats représentatifs peuvent déclencher une grève dans le secteur public.

Le Comité constate que la législation continue d’établir une retenue sur salaire mensuel de 1/30ème du salaire des fonctionnaires de l’État et des agents d’autres services publics nationaux pour des grèves de moins d’un jour, quelle que soit leur durée. Il a estimé précédemment qu’une telle règle n’est pas conforme à l’article 6§4 de la Charte révisée, au motif qu’elle pourrait dissuader les intéressés de prendre part à une grève. Le Comité réitère par conséquent sa conclusion de non-conformité sur ce point. Il rappelle que toute retenue sur les salaires des grévistes ne doit pas excéder la proportion de leur salaire qui correspond à la durée de leur participation à la grève. C’est donc un désaveu clair et net de l’arrêt Omont (CE 21 juin 1978).
Le Comité conclut que la situation de la France n’est pas conforme à l’article 6§4 de la Charte révisée, aux motifs que:

  • seuls les syndicats représentatifs ont le droit de déclencher une grève dans le secteur public ;
  • les retenues sur les traitements des fonctionnaires grévistes ne sont pas toujours proportionnelles à la durée de la grève, puisque l’application du trentième indivisible aboutit le plus souvent à une retenue supérieure à la durée réelle de l’arrêt de travail.

VI) Harcèlement sexuel.

Tout en jugeant la situation de la France conforme à la Charte, le Conseil demande, pour la seconde fois, si une réintégration est possible lorsque le ou la salariée a été poussé(e) à démissionner en raison du climat hostile provoqué par le harcèlement sexuel. Il a également demandé des informations sur les mesures préventives.

Or, actuellement encore, aucune mesure permettant la réintégration de la victime lorsqu’elle a démissionné n’existe (sauf à invoquer la prise d’acte). On peut donc en déduire que pour se mettre en conformité, il faudrait qu’une telle disposition soit intégrée dans le Code du travail.

VII) Les salariés protégés.

Si le comité déclare la situation de la France conforme sur ce point aux stipulations de l’article 28 de la Charte, il s’étonne quand même du nombre élevé de licenciements de salariés protégés autorisés par l’inspection du travail.

Le Comité demande en conséquence que le prochain rapport contienne les commentaires du gouvernement sur l’efficacité en pratique de la protection des représentants des salariés contre le licenciement et, le cas échéant, les mesures envisagées pour en changer le fonctionnement.

On a ici une critique implicite du système français de protection des représentants des salariés dont l’efficacité réelle semble être mise en doute par le Comité. On regrette au passage que le Comité n’ait pas jugé utile de s’interroger sur la totale absence de protection des représentants du personnel dans les administrations.

VIII) Et maintenant ?

Mêmes si les états ont obligation de fourni un rapport tous les 4 ans sur l’application de la Charte, force est de constater que le temps du Comité n’est pas en phase avec le temps politique.

Soyons réalistes : imagine-t-on un ministre du travail préparer de nouvelles dispositions en prenant en compte le fait que dans 4 ans la France devra rendre des comptes sur ces dispositions au Comité ? En réalité, il s’en fiche, et si cela lui vient à l’esprit, il l’écarte d’un revers de main en se disant que, de toute façon, la probabilité qu’il soit toujours ministre et dans ce ministère à 4 ans de là est proche de zéro, et qui si quelqu’un devra se justifier, ce sera son successeur.

Il est à ce titre révélateur de constater que les conclusions du Comité font à plusieurs reprises mention de renseignements demandés et de questions posées qui n’ont jamais été prises en compte par la France.

Et pourtant, « Le Comité rappelle que l’objet et le but de la Charte, instrument de protection des Droits de l’Homme, consiste à protéger des droits non pas théoriques mais effectifs ». Comment assurer alors l’effectivité de ces droits dont la violation a été constatée par le Comité lui-même ?

On peut, bien sûr, envisager que les partenaires sociaux décident de s’emparer des points sur lesquels la France n’est pas en conformité avec la Charte pour ouvrir des chantiers de négociation afin de mettre fin à ces violations. Cela dit, connaissant les organisations patronales, on imagine bien qu’elles ne vont pas spontanément ouvrir cette voie.

On peut aussi espérer que les échos que les conclusions du comité ont eues dans la presse peuvent pousser le gouvernement à bouger sur un certain nombre de points. Malheureusement, là aussi, le temps du politique n’est pas celui des médias, et il lui suffit le plus souvent de faire le dos rond en attendant que l’actualité trouve un autre sujet. Reste quand même une possibilité.

La charte a prévu, outre les rapports soumis au Comité, un second mécanisme de contrôle. Il s’agit de la procédure de réclamations collectives, prévue par un Protocole à la Charte sociale adopté en 1995 et entré en vigueur en 1998, actuellement ratifié par 14 États, dont la France.

Cette procédure permet aux syndicats de porter réclamation devant le Comité européen des Droits sociaux, l’organe de contrôle de la Charte, lorsqu’ils considèrent qu’un droit garanti par la Charte n’est pas respecté.

Cette procédure s’apparente, d’une certaine manière, aux recours pour excès de pouvoir qui existent en droit administratif.

Les organisations porteuses de la réclamation n’ont pas l’obligation d’être elles-mêmes victimes de la violation dénoncée même si elles présentent le recours au nom des victimes et si elles illustrent le recours par la description de la situation des victimes.

La procédure elle-même n’est pas d’une grande complexité juridique. Contrairement à ce qui est prévu devant la Cour européenne des droits de l’homme, les organisations qui présentent une réclamation n’ont pas l’obligation de saisir au préalable le juge national et les conditions de forme et de délai sont beaucoup plus souples. C’est ce qui explique en partie le nombre élevé des réclamations jugées recevables (plus de 90 % sont jugées recevables).

Et surtout, ici, le travail a déjà été fait par le Comité lui même. Tout ce qu’il reste à montrer c’est que la situation n’a pas évolué depuis la période des constatations du Comité.  Ou en pire. Comme d’habitude.

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Posted in Le monde comme il va |
octobre 22nd, 2010

En ce 22 octobre 2010, l’actualité regarde vers les USA qui regardent la France.

Une étude de BVA tendrait à démontrer que, contrairement aux espoirs gouvernementaux, le soutien au mouvement social ne faiblit pas et tendrait même à se renforcer. Celui-ci reçoit d’ailleurs un renfort de poids dans la personne de Bruce Willis qui apprécie « l’engagement émotionnel de Français » et regrette que la politique américaine soit devenue trop aseptisée. Une déclaration un peu surprenante de la part d’un acteur connu pour ses positions pro-républicains, mais aussi pour ses rôles de héros sauveur des valeurs de l’Amérique.

On peut se demander d’ailleurs pourquoi la maison blanche n’a pas fait appel à lui pour retrouver les codes nucléaires américains quand elle les a perdus dans la nature pendant 4 mois.

Il n’en reste pas moins que, si l’Amérique reste le seul pays où on peut se faire dédicacer son chien par une candidate, la France reste elle le seule pays où après la pantalonnade de l’EPAD, on peut se voir renouveler la confiance des militants à 82 %.

Pendant ce temps, le Monde annonce que le Procureur de la République Philippe Courroye aurait demandé à se faire communiquer les factures détaillées de téléphone de deux journalistes afin de tenter de faire tomber sa collègue Isabelle Prévost-Desprez. L’épluchage des relevés des communications téléphoniques des journalistes semble donc être devenu un sport national. C’est à se demander si la loi 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes n’est pas un simple cache-misère destiné à éviter la condamnation de la France, qui a déjà perdu 33 places au classement depuis la création du classement mondial de la liberté de la presse.

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Posted in Web du jour |
octobre 21st, 2010

En ce 21 octobre, on prend un peu de distance pour regarder la France depuis l’étranger. Le monde nous signale que Mark Weisbrot, co-directeur du Centre de recherche économique et politique de Whashington, a pris la plume dans The Guardian pour défendre les mouvements sociaux contre la réforme des retraites. Pour lui, les Français se battent pour l’avenir de l’Europe.

Pendant que l’Europe observe la France, comment faire face à la pénurie de carburant ?
Le vélo, c’est écolo, mais il n’y a pas de vélibs dans toutes les villes. Et quand il y en a, encore faut il en trouver un quand on en a besoin, et trouver un emplacement libre pour le rendre à proximité de sa destination. Reste le vélo personnel, mais ça se vole facilement, malgré toutes les précautions.
C’est peut-être designer Juri Zaech, designer Suisse mais vivant en France (avec des papiers en règle, on espère pour lui) qui a trouvé la solution avec ses vélos personnalisés. Idée séduisante, mais encore à l’état de prototype pour l’instant.

Pendant ce temps, un ancien d’Occident est rattrapé par ses obsessions de jeunesse et continue à délirer sur la soi-disant main-mise de l’extrême gauche sur la contestation. Sans doute une façon déguisée de nous dire à quel point il a la nostalgie de sa folle jeunesse.

En parlant de folle jeunesse qui ferait mieux de finir commencer sérieusement ses études, Jean Sarkozy est de retour sur la scène politique locale. Mais ce coup-ci, il n’est pas seul, et une opposition existe désormais au sein même de la circonscription UMP. Les militants ont-ils digéré la pantalonnade de l’EPAD ? La question est pour le moment pendante.

Et en parlant de gens qui parlent de ce qu’ils ne connaissent pas avec le même entrain et la même crédibilité que Devedjian quand parle de l’extrême gauche, Numérama soulève un lièvre qui pourrait mettre à mal à la fois l’HADOPI et la CNIL. En effet, son enquête semble montrer que la CNIL a pris les autorisations permettant aux ayants-droit de collecter les adresses IP à transmettre à l’HADOPI au vu de prétendues observations du Commissaire du Gouvernement qui n’ont jamais été demandées. Ce qui fait naître un doute sérieux à la fois sur la légalité de ces autorisations, et donc des collectes ainsi faites, et sur la crédibilité de la CNIL.

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Posted in Web du jour |
septembre 17th, 2010

Joie, bonheur et zénitude.

Saisissant d’une main encore ferme le dernier macaron qui trainait esseulé dans l’assiette depuis samedi, je m’aperçois que, contrairement aux autres, ce gâteau-ci ne durcit pas, mais ramollit en vieillissant.

C’est donc le cadeau idéal à apporter avec vous lorsque vous allez voir vos parents après que vous les avez mis en maison de retraite.

Pensez à la tête qu’ils vont faire en vous regardant grignoter devant eux tous les macarons bien croquants, que vous avez préparés pour l’occasion, après leur avoir planqué leur dentier.

N’oubliez pas d’en laisser un, qu’ils pourront se disputer dans quelques jours, lorsque vous ne serez plus là.

Et en partant, n’oubliez pas de claquer bien fort les fesses de l’aide soignante en lui disant de bien prendre soin d’eux.

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Posted in Révélations |
septembre 15th, 2010

Des fois on ferait mieux de fermer sa gueule.

Le reste du temps, il vaudrait mieux se taire.

La plupart des blogs n’ont pas d’autre intérêt que de révéler la personnalité de leur auteur.

Dans l’immense majorité des cas, elle ne présente pas plus d’intérêt que l’absence totale de talent et l’impérieuse nécessité de le clamer à la face du monde ne le laissaient pressentir. Les seuls qui s’en sortent sont ceux qui auraient été capable de le faire sur tout autre support.

Celui-ci n’a pas la prétention de faire mieux que la majorité des bouses qui pavent les sentiers des autoroutes de l’information.

Il a au moins la lucidité de se dire qu’il aurait mieux fait de fermer sa gueule.

Mais dans un temps où chacun tient à publier ses états d’âmes, la meilleure façon de passer inaperçu n’est-il pas de faire comme tous ?

Non ?

Ah bon, pour une fois que je disais un truc profond, ça m’apprendra.

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